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Journal d’une expédition interdisciplinaire

PROLOGUE

Tout commence par un voyage


Nous l’avions annoncée, la voici : la première expédition d’Idap. Une expédition interdisciplinaire, qui vise faire se rencontrer des gens venus de mondes très différents, d’âges différents, d’intérêts différents, pour imaginer ensemble à quoi pourrait ressembler la « Maison aux Images » de demain. La quoi ? La Maison aux Images, un espace muséographique (interdiction de dire musée) de valorisation des plafonds peints médiévaux dont est richement dotée la commune de Lagrasse.


Voilà ce que savaient les participants, pour ceux qui en savaient le plus. Certains savaient simplement qu’ils s’embarquaient pour l’inconnu, avec des inconnus, pour réfléchir pendant 3 jours à quelque chose de mystérieux. L’aventure, en somme.


Comme toute expédition, celle-ci commence par un voyage. En train, celui-là. Façon Orient-Express, mais en plus court et en moins confortable. Rendez-vous jeudi soir gare d’Austerlitz, voie 19, à 21h20. Train de nuit pour Narbonne. Ca pourrait être le nom d’un film, tiens.



Une nuit de train pour faire connaissance. Sylvain et Sylvie parlent cinéma et éducation populaire. Alexandre et Aurélien parlent jeux. Les filles parlent musées, égalité et médiation culturelle. On est déjà presque dans le vif du sujet, les plafonds peints en moins. Mais chaque chose en son temps…


5h58, arrivée à Narbonne. Buffet de la gare pour un petit déjeuner d’équipage, en attendant Jean-Pierre Sarret, l’élu de Lagrasse en charge du patrimoine, qui nous mènera au village. L’occasion de faire les présentations.



L’équipage de l'expédition, un bouillon de culture(s)


Dans l’équipe, il y a surtout des gens que rien n’avait amenés à se rencontrer. Recrutés par Idap pour la complémentarité de leurs profils, les membres de l’équipage ont entre 20 et 60 ans, et presque toutes leurs dents.


Aurélien Lefrançois est créateur de jeux, numériques, mais pas seulement. Son truc, c’est d’utiliser le jeu comme médium de transmission. Pour ça, il a créé Prismatik.


Alexandre Lejeune est designer industriel, spécialisé dans le design d’interaction. Bidouilleur professionnel, il s’intéresse aux jeux et à l’expérience utilisateur.


Sylvie Dreyfus est chargée de diversification des publics à la BnF. Elle y fait venir des publics éloignés et monte des projets avec des structures qui s’occupent de publics en difficulté.


Eléonore Bellot est scientifique de formation. Plutôt biologiste et matheuse, elle adore la vulgarisation scientifique et s’attelle à relier arts et sciences à travers plein d'activités.


Johanna Daniel travaille dans la valorisation du patrimoine par le numérique. Elle tient aussi Orion en aéroplane, un blog sur l’histoire de l’art, qui lui permet de partager les émotions que lui procurent ses découvertes avec un grand public.


Marion Denis sera bientôt architecte. Et quand elle ne travaille pas, elle est animatrice passionnée auprès des jeunes.


Sylvain Mariette est délégué régional des Maisons des Jeunes et de la Culture de Lorraine. Son domaine, c’est l’éducation populaire, pour tous les âges et tous les territoires.


Céline Dallery est ancienne prof de lettres classiques, en cours de reconversion vers la médiation culturelle. Actuellement en stage au Conseil Départemental de l’Aude, elle accompagne le développement du projet de Lagrasse.


***


JOUR 1

IMMERSION

Une plongée au Moyen-Age, du sol au plafond



Arrivés à Lagrasse, Jean-Pierre Sarret nous amène sur les hauteurs, histoire de bien voir le village et ses environs, son abbaye, son cours d’eau, son urbanisme. L’occasion de nous raconter quelque peu l’histoire du lieu et de nous donner à comprendre l’importance du Moyen-Age dans son identité architecturale et patrimoniale.




Temps 1 : partir de nos clichés


Leurs appartements pris, les membres de l’équipage sont amenés au premier temps de travail : c’est parti pour une session « patate chaude » sur les clichés associés au Moyen-Age ! Une façon d’entrer en matière qui interroge nos représentations face à ce qui sera le contenu même de ce futur « musée ».



Temps 2 : se remémorer nos meilleurs souvenirs de musées


Les clichés mis de côté, place au partage d’expérience. S’il s’agit d’imaginer un musée de demain, de quoi pourrait-on s’inspirer ? Qu’est-ce qui fait qu’on se souvient de telle ou telle exposition, de tel ou tel musée ? C’est la question posée à l’équipage.


Les voilà donc qui racontent leurs meilleurs souvenirs de musées en expliquant pourquoi. Ca fuse !


Cette étape marque l’entrée en jeu d’un des compagnons déterminants de l’expédition : les post-it. Bleus, roses, jaunes, orange, verts, ils seront collés, décollés, déplacés, replacés, complétés, superposés, chiffonnés, abandonnés au gré des brainstormings. Mais chut, gardons-en pour plus tard.


Et alors, qu’est-ce qui fait que l’on retient une expérience de musée plutôt qu’une autre ?

La réponse en post-it... et en images.


Ce qu'on retient surtout ? La dimension "expériencielle" : voir, entendre, sentir, toucher, faire, manipuler, fabriquer, incarner, jouer.


Temps 3 : découvrir les fameux plafonds peints


Au programme de l’après-midi, une visite du village, guidée par l’infatigable Jean-Pierre Sarret, qui nous fait arpenter les petites rues pavées du bourg, du vieux pont à la « porte de l’eau », en passant par la vieille halle de la place du marché et l’église. Le parcours s’achève à la Maison du Patrimoine. Ancien presbytère, elle abrite l’un des plafonds peints médiévaux du village, en cours de nettoyage. Elle accueille également une exposition sur les plafonds peints de Lagrasse et des environs.




L’heure de la rencontre entre l’équipage et les fameux plafonds est arrivée. Des plafonds restaurés exposés sur les murs, et des plafonds qui se cachent au plafond. Cela semble évident, et, pourtant, il n’est pas évident de visiter un musée le nez en l’air. Essayez donc pour voir.


Sur les plafonds, des peintures. On y reconnaît des armoiries (on ne dit pas « blasons »), des animaux, des personnages de toutes sortes. Des hommes à cheval, des visages angéliques, des créatures fantastiques, personnages à double ou triple visages… Des scènes un peu olé olé aussi, à nos yeux. Rien à voir avec notre idée d’un Moyen-Age très prude (photos non diffusées pour des raisons évidentes de protection des plus jeunes !).



La journée se termine par une visite nocturne, lampes torches à la main et guidés par la doctorante Laura Ceccantini, d’une maison privée dans laquelle se cache un très grand plafond peint, invisible pour le grand public.

***


JOUR 2

BOUILLON DE CERVEAUX

"Si tout est imaginable, que pouvez-vous imaginer ?"



Temps 1 : prendre connaissance du projet de « Maison aux Images »


Après le temps des découvertes, le temps des idées. Cette journée est la pièce maîtresse du week-end créatif. Partant de leurs clichés, de leurs expériences de musées, de leur découverte des plafonds et de leur créativité, les membres de l’expédition vont devoir imaginer comment valoriser ce patrimoine d’une auprès des publics de demain.


En guise d’introduction, rendez-vous avec Jean-Pierre Sarret, pour rentrer dans le vif du sujet. Le voilà qui explique l’origine du projet de « Maison aux Images », fameux tiers-lieu* muséographique dont l’ouverture est prévue en 2018. Cette maison se tiendra en plein cœur de village, à l’emplacement de l’actuelle Maison du Patrimoine, qui sera agrandie d’ici-là. L’objectif principal est le suivant : faire découvrir un Moyen-Age insoupçonné en donnant à voir ce que l’on ne connaît pas : l’imaginaire domestique.


*un tiers-lieu est un espace intermédiaire entre la maison et l'espace publique, un espace dédié à la vie sociale d'une communauté, dans lequel les gens peuvent venir passer du temps, se distraire, rencontrer les autres et échanger.



L’architecte a été choisi, les espaces de la future maison sont en grande partie définis et un muséographe a commencé à travailler sur la conception du lieu et des dispositifs. Mais avant d’aller plus loin dans la conception, les porteurs du projet veulent élargir et alimenter les premières orientations par des idées extérieures, notamment celles de la « génération numérique ». C’est à ce stade qu’intervient Idap, avec son expédition interdisciplinaire. La consigne est la suivante : s’autoriser à tout imaginer, à partir du bâtiment proposé. En d’autres termes : carte blanche !



Temps 2 : carte blanche à la créativité


Une fois Jean-Pierre Sarret parti, les choses sérieuses commencent.


D’abord, un débriefing, pour se mettre d’accord sur la commande et faire émerger les grands axes de travail. A ce moment, les membres de l’équipe sont rejoints par Catherine, habitante de Lagrasse et responsable de la bibliothèque. C’est le moment d’en savoir plus sur les habitants du village et leur lien avec ce patrimoine, ainsi que sur le projet de transformer la bibliothèque en médiathèque en l’intégrant dans la Maison aux Images. Les propos de Catherine sont complétés par les témoignages que Lucille (Idap) a recueillis via un micro-trottoir. Force est de constater que les habitants ne se sentent pas très concernés par les plafonds peints et le projet de « musée »…


Ces éléments en tête, on passe au brainstorming. Florine (Idap) lance les hostilités : « si tout est imaginable, que pouvez-vous imaginer ? »


Si l’on peut tout imaginer, alors il faut des post-it. Règle de base de la famille Idap.


La réponse est une pluie de post-it verts et bleus. Un déluge, même. Il y a assez d’idées pour concevoir au moins 30 musées. Mais voyez, plutôt…



Au milieu de toutes les idées, surgissent quelques grands questionnements. Des préoccupations, même. Alors on les note aussi, comme des fils conducteurs.


Parmi eux, ceux-ci :




Temps 3 : affiner les idées


Le déluge passé, il faut regrouper, affiner, approfondir.


On passe en revue les tas de post-it. Plusieurs pistes de réflexion se dégagent, telles que : le bâtiment et son interaction avec le village et le territoire, l’appropriation du projet par les habitants, la façon de toucher un public a priori non intéressé par le Moyen-Age, l’espace d’accueil façon troisième lieu, l’utilisation du jeu, l’utilisation des clichés, etc. Les membres de l’équipage se répartissent par groupe pour traiter l’une ou l’autre.



Rendez-vous une heure plus tard pour mettre les réflexions en commun.


C’est le moment où les cerveaux commencent à fumer ! L’heure de la pause approche.



Temps 4 : incarner les idées


A partir d’un schéma de la future Maison aux Images dessiné à main levée et long de plusieurs mètres, les membres de l’équipage sont invités à investir les espaces, pour y placer leurs idées. Entre temps, le repas a été l’occasion d’imaginer des dispositifs concrets pour illustrer les concepts. Par exemple, élaborer un jeu de piste à travers tout le village. Ou concevoir une salle d’immersion dans laquelle écouter des histoires en regardant le plafond allongés sur le sol. Ou créer un dispositif permettant aux visiteurs de projeter leur propre plafond peint à partir de leur profil Facebook. Ou encore installer un espace convivial commun au musée et à la médiathèque, ouvert sur le village. Bref, il s’agit là d’illustrer les grandes pistes.



La fin de journée approche, la valse des post-it prend fin. Certains vont se coucher, pendant que d’autres branchent leur troisième cerveau pour se lancer dans la confection de prototypes. Un prototype de dispositif en ligne d’annotation d’image pour Johanna, des fiches projets de création de jeu pour Aurélien, une typologie de potentiels visiteurs pour Sylvain, Marion et Céline, un petit dictionnaire des éléments d’iconographie médiévale pour Eléonore, etc.


Pendant ce temps-là, l’équipe d’Idap se creuse la tête pour organiser la restitution du lendemain à un panel d’acteurs locaux impliqués dans le projet : des élus, la commission des habitants, des représentants de la fameuse RCPPM* (dont chacun aura mis un peu de temps à mémoriser le nom) et le muséographe. L’enjeu n’est pas mince : il s’agit d’être ni trop conceptuels, puisque les porteurs du projet attendent bel et bien des idées, ni trop concrets et prescriptifs, pour ne pas empiéter sur le terrain du muséographe.


Un joli jeu d’équilibristes…


* L’association internationale de recherche sur les charpentes et plafonds peints médiévaux.



***


JOUR 3

RESTITUTION

L’heure de l'équilibriste




Aujourd’hui, il pleut, il vente. Rien à voir avec l’agréable soleil des jours précédents. Ca sent déjà la fin. La nuit a été courte, la pression est montée. Il reste quelques heures avant la présentation aux porteurs de projet. Quelques heures pour finir les prototypes, structurer le déroulé, réaliser les supports et répartir la parole. Chacun est au travail.



On prend quand même le temps d’un petit cassoulet au restaurant du coin.


Et puis c’est le moment.


La salle se remplit, les uns rencontrent les autres, quelques regards curieux s’attardent déjà sur le schéma central et tous ses petits post-it.


« Mesdames, messieurs, bonjour et merci d’être là. » Ca commence.


En guise d’avant-propos, on rappelle qu’on ne remplace pas le muséographe, mais qu’on part de notre expérience d’usagers de musées et de professionnels d’une forme ou d’une autre de médiation. On rappelle aussi qu’on est parti de l’état actuel du projet et des orientations, qu’il ne s’agissait pas de bouleverser, mais d’élargir et de compléter à notre sauce.


Ces quelques précautions prises, place aux présentations. Tour de salle rapide des membres de l’expédition. Voilà donc l’équipage, Mesdames et Messieurs.



Temps 1 : on tend le fil et on lance les perches


Le premier temps de la présentation est le moment pour l’équipage, par la voix de Sylvie, de partager les préoccupations qui ont été les siennes et guidé ses propositions, à partir de la présentation de la commande. Les fameuses grandes questions notées le deuxième jour, fils conducteurs et points de vigilance à avoir en tête pour la suite du projet :

  • Permettre aux habitants de s’approprier ce patrimoine et ce projet, pour éviter de faire naître un musée d’intellectuels déconnecté de son territoire.

  • Ne pas miser sur du « tout numérique » : il n’est pas la réponse à tout, même pour le public de demain.

  • Ne pas avoir peur des clichés, au contraire : miser dessus, rebondir dessus comme une porte d’entrée pour un public non expert.

  • Mettre en scène la recherche en train de se faire, pour ne pas présenter la connaissance comme une certitude mais comme une démarche à laquelle chacun peut être associé.

  • Exploiter les thèmes de la vie quotidienne et du rôle des anonymes, qui sont une façon accessible de raconter l’histoire et de la rapprocher du public d’aujourd’hui.

  • Envisager plusieurs temporalités et usages en fonction des saisons, pour s’adresser aux différents publics de façon adéquate (habitants et touristes).

Voilà, les choses sont dites. Et maintenant ? Maintenant, place au ballet des idées pour donner forme à ces grands axes. Là encore, on rappelle qu’il ne s’agit pas de solutions clés en main, mais d’illustrations, d’incitations à l’imagination.



Temps 2 : le ballet des idées et des propositions


Un ballet en 5 actes, pour faire le tour de la question. Johanna, Sylvain, Marion, Céline, Sylvie, Aurélien, Eléonore et Alexandre se succèdent au rythme des idées.



Acte 1 : le public éloigné

Comment faire venir des gens qui ne viennent jamais au musée ? Comment attirer un public inhabituel, un public non expert, le grand public ?

Acte 2 : les habitants

Comment en faire un lieu socialement intégré dans le village ?

Acte 3 : les touristes

Comment attirer les touristes de Lagrasse qui ne passent pas par la Maison aux Images ?

Acte 4 : la valorisation du patrimoine

Comment créer de l’empathie pour ces plafonds ? Comment les mettre en valeur ?

Acte 5 : l’actualité du Moyen-Age

Comment faire comprendre aux visiteurs le processus de recherche ? Comment faire comprendre aux gens l’actualité des questions posées par le Moyen-Age ?



Temps 3 : échanges, sourires, départ


Une heure plus tard, fin du ballet. Place aux échanges. Le public semble rassuré. Ouf. Nous aussi, du coup. On souffle et on sourit. Ils sourient, on sourit. Les messages sont passés et ouvriront de nouveaux champs de réflexion. Sur l’association des habitants au projet, l’action culturelle d’ensemble, la communication. En même temps, les porteurs du projet se voient confortés dans certaines de leurs pistes et l’esprit général donné au projet.


Ni bouleversement, ni révolution, mais appui et augmentation. Voilà ce qu’aura apporté l’expédition d’Idap. Numéro d’équilibriste réussi, on dirait.


On prend le temps de se le dire et de se remercier avant de ranger les dizaines de post-it et de reprendre la route. Fin de l’expédition, c’est parti pour la gare.


***


EPILOGUE

Et maintenant ?


Narbonne, 19h10, voie D, en attendant le train. Dernier train pour Paris. Pas de couchettes, cette fois. Dommage. Mais on reste tous ensemble, même si le train est plein.


C’est l’heure du débriefing. Chacun son tour s’exprime. Bien sûr, plein de choses pourront être améliorées pour de futures expéditions. Mais, quand même, c’était chouette. « Si vous me rappelez, je reviens ! ». Certains aimeraient bien continuer à travailler le projet, savoir ce qu’il devient, développer leurs propositions. D’ailleurs, certains ont déjà échangé leurs coordonnées… « C’est un peu notre bébé aussi, maintenant, cette Maison aux Images ! ».


Dans l’immédiat, il s’agira de faire parvenir un document de synthèse à Jean-Pierre Sarret, pour permettre à l’équipe d’avancer sur nos propositions. Pour la suite, nous verrons.


A suivre, donc…




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